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"Pourquoi nous colle-t-on toujours ensemble? Je ne l'aime pas.
Je ne la déteste pas non plus, il y a des fois où elle est même sympathique, et d'une manière générale, son existence et sa présence ne me pèsent pas. Mais tout TOUT contribue à nous mettre ensemble à tel point que tout le monde nous croit inséparables parce qu'amies. Mais il n'en est rien. Nous avons atterri dans la même prépa, ce qui est le cas des quarante autres élèves, mais nos parents se connaissent, de longue date, semble-t-il... Et appartiennent à la même """chapelle"""... Ooh, inespéré pour eux. "C'est bien, vous pourrez aller ensemble aux cercles du jeudi soir..." J'ai toujours eu horreur de jouer avec les enfants des amis des parents sous prétexte qu' "Ils ont le même âge que vous, vous pourrez vous amuser ensemble". Fuque. Pas envie. Rien à leur dire.
De plus, nous faisons toutes deux la même option -ultra minoritaire de surcroît vu que nous sommes trois en tout à la prendre. La fée des disserts et concours blancs veut que nous soyons perpétuellement à touche-touche dans le classement général (genre elle deuxième et moi troisième, jamais le contraire grrr), de plus, nos noms commençant de la même manière, je suis garantie d'être juste après elle dans le classement aphabétique jusqu'à la fin de la prépa, voire après si nous continuons en Fac (option option). Et le jour du concours, je sais pertinemment que sa table sera ou juste devant ou juste derrière la mienne.
Ce hasard bidon des circonstances est pris par tout le monde pour une osmose parfaite ("Vous avez quasiment les mêmes notes en plus!") et il s'en est fallu d'un poil que nous partagions la même chambre. En fait, c'est que la mère d'une jeune grenobloise fraîchement arrivée craignant que sa fille ne se fasse pas d'amies a demandé à la mère de mon """alter ego""" si elles pouvaient partager une chambre. Cela m'a permis (nombre impair oblige) d'hériter d'une chambre pour moi seule, ce qui n'est pas très bon en cas de broyage de noir, mais divin la plupart du temps.
Bref, j'en ai définitivement marre du couple Ve***-Ve***, que même les profs semblent avoir adopté. Foutez-moi la paix, puisque je vous dit qu'on n'est PAS amies!
C'est sûr, pourtant, nous allons toujours toutes deux au cercle quasiment tous les jeudis soir. D'abord parce que c'est mieux de pouvoir rentrer à deux quand on doit descendre à Saint-Denis-Basilique entre onze heures et minuit... Ensuite parce qu'Il y va aussi et que c'est le seul moyen que j'ai de Le voir régulièrement. Le voir, seulement. Parce que je n'arrive pas encore à lui parler. Je n'ose pas, il ya les regards et ces millions de pratiques microscopiques, de micro-cercles à l'intérieur de ce cercle qui font qu'il est très difficile de s'éloigner des gens que l'on y connait le mieux pour aller vers ceux que l'on connaît moins. Alors je me contente de le regarder à la dérobée par-dessus les tables et les visages, dans ce salon du 8e arrondissement qui tient à la fois du club à l'anglaise et du patronage du curé. La mixité de sexe et d'âges qui s'y retrouvent (bien que ces cercles ne soient à l'origine destinés qu'aux étudiants...) n'est qu'une apparence: chacun, au fond, y reste entre soi. On y parle à mi-voix, s'échange des banalités qui s'épuisent très vite. J'attends le moment de la conférence pour me glisser sur un siège pas trop loin du sien, d'où il puisse me voir...
Puis, chaque jeudi soir, ça se termine de la même façon: je crois avoir avancé d'un millimètre parce que son regard a croisé le mien une nano seconde de plus que la dernière fois... J'en ai honte. Pourtant, chaque semaine j'y vais avec le coeur qui bat tellement fort que monter ces cinq étages me donne le vertige. Chaque semaine il me suffit d'une seconde pour le trouver au milieu des autres. Et s'il n'est pas encore arrivé, je guette chaque léger grincement de la porte d'entrée jusqu'à ce que j'aperçoive du coin de l'oeil dans l'encadrement sombre sa longue silhouette et son profil aigu accentué par les pans relevés de son col. Chaque fois, dès que je le vois, je n'ai subitement besoin de rien d'autre et je pourrais rester indéfiniment à simplement le regarder. Sur le moment, ça me suffit, et quand nous repartons, je suis pleine de l'euphorie de l'avoir simplement vu, d'avoir pu cueillir fugitivement son regard où je crois lire des choses. Jusqu'à ce que, dans le métro, je réalise la nullité de tout cela, que nous sommes déjà au mois d'avril et qu'il n'y a RIEN de plus qu'en septembre et j'ai alors le coeur qui s'alourdit d'un seul coup.
Elle est amie avec Sa soeur. Parfois - et ça me met à l'agonie - elle va déjeuner chez eux le week-end. Un soir que nous revenions du cercle, j'avais essayé de la faire parler de Lui. Elle me disait qu'elle ne le connaissait pas vraiment, qu'il était si réservé qu'elle osait à peine le saluer ces fameux jeudi soirs (je l'ai remarqué et ça me frustre toujours car j'espérais pouvoir faire de même dans son sillage, pour une fois que notre proximité serait utile)... Sur le coup, j'ai trouvé sa réticence bizarre (je n'ai jamais eu de problème pour claquer la bise aux frangins de mes amies) et aujourd'hui, je réalise que sa timidité a peut-être une bonne raison: la même que la mienne...
Oh non, pas ça AUSSI..."