Ca, ça, et ça c'était il y a bientôt un an... Quels progrès depuis? Rien. Ou à peine un peu plus que rien...

Il ne sait toujours pas faire de phrases par lui même. Il en connaît deux trois, usuelles, du genre "Je voudrais [...] s'il-te-plait [...]" etc. Et ce uniquement parce que je les lui ai fait répéter jusqu'au larmes pendant des semaines. Alors au moins c'est rentré mais je ne vais pas faire ça pour chaque phrase possible de la conversation française, si? Là j'en ai marre... Il a désormais quatre ans et a fait en un an à peu près autant de progrès qu'un enfant de deux ans en moins de six mois. J'ai eu le nez dans le guidon pendant tout ce temps et là je viens de me prendre le constat en pleine poire: un an à pédaler dans la semoule.

Alors pour ce qui est de m'informer des marques de toutes les bagnoles garées dans notre rue, ah oui toujours, il sait faire, ça ne le lasse même pas, et quand il est en forme il me donne aussi les plaques d'immatriculation. Il est aussi capable de m'énumérer tous les logos publicitaires d'une liste de sponsors écrits en tout petit au bas d'une affiche à plus de vingt mètres, super, mais bon... je fais quoi avec ça à part m'inscrire pour passer chez Delarue nom de Zeus?

J'en peux plus, je suis démunie, je ne comprends même pas ce qui se passe dans sa tête. Je m'évertue à lui faire comprendre un truc, il n'écoute même pas, je pique des gueulantes façon berserk à en terroriser les voisins dans l'espoir que ça lui fasse passer l'envie de recommencer vingt fois les mêmes conneries et cinq minutes après, c'est comme si j'avais rien fait, il y retourne, tranquille. Je m'épuise dans l'absurde au quotidien.

Et comme de son côté, il n'arrive pas à se faire comprendre pour encore la moitié des trucs qui peuvent lui arriver en une journée, il pleurniche, il trépigne, il fout des coups et se ramasse des fessées quinze fois par jour... Les mots "attends", "tout à l'heure", "pas maintenant" semblent glisser gracieusement autour de ses lobes mignons sans jamais parvenir jusqu'aux tympans.

Alors quand même, une fois sur dix, il retient un truc... il est pas complètement stationnaire non plus... mais la quantité d'énergie qu'il faut pour chaque pas de fourmi me laisse parfois craindre qu'un jour, neurvousse bréquedone aidant, j'en vienne à commettre des bricoles pas marrantes du tout. Et les discours rassurants des -néanmoins sympathiques - pédopsys qui l'ont quand même suivi deux fois par semaine cette année (putain tout ça pour ça) m'enjoignant à "ne pas douter de mes capacités parentales" n'y changeront malheureusement pas grand-chose. Parce que j'y ai jamais osé dire "Comment je fais quand à un moment, parce qu'il aura passé une heure à chouiner parce qu'il ne peut pas faire cinq cubes avec quatre, je cesse de voir en lui l'enfant que j'aime et ne vois plus qu'une chose hurlante que j'ai envie de faire taire à grands coups de mur sur la tronche?" parce que parfois je comprends un tout petit peu les parents qui en viennent à mettre leur gosse dans un institut et à ne plus vouloir en entendre parler... j'ai pas dit que c'est ce que je voulais attention, mais juste qu'il n'y a pas forcément besoin d'être un monstre d'égoïsme pour - parfois - désirer ça.

Ou alors je suis un monstre d'égoïsme.

Un monstre d'égoïsme qui a clairement besoin de vacances.