Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)


Musique, fichtrediantre!

Tribune
Marguerite :
marie-pierre : J'ai été très intéressée par vos différentes remarque, vos extraits de livres et le commentaire que vous en faites. Tenez-moi au courant, merci.
Bien à vous,

Marie-Pierre Gauthier
Sendy : hi??
Sledymmenly : Today is good poorly, isn't it?
Damien : Merci

Réagir :
Nom
Adresse web

Grenier
Novembre 2009 : 1 article
Janvier 2009 : 2 articles
Novembre 2008 : 1 article
Juin 2008 : 1 article
Mai 2008 : 2 articles
Avril 2008 : 1 article
Mars 2008 : 1 article
Août 2007 : 1 article
Juillet 2007 : 2 articles
Juin 2007 : 5 articles
Mai 2007 : 1 article
Avril 2007 : 1 article

Session
Nom d'utilisateur
Mot de passe

Mot de passe oublié ?

Carabosse

Mercredi vers midi et demie, au sortir de la station Cluny-La Sorbonne, j'allai attendre le bus qui devait m'emmener chez D. , pas vu depuis bientôt deux mois.

Le matin, j'avais reçu dans mon casier une anthologie des Etonnants Classiques consacrée au portrait. Après une introduction grandiloquente transpirant l'agrégée de lettres modernes arrondissant ses fins de mois, j'étais plongée dans un extrait de Proust brossant à traits envoûtants le portrait, ou plutôt les visages d'Albertine quand...

"T'AS PAS UNNNEUEURRROOOOO???" lança une voix rocailleuse et avinée juste au-dessus de moi. Je levai les yeux et vit une petite vieille horriblement ratatinée, le visage émacié et strié de rides, avec des yeux curieusement globuleux et humides.

Elle réitéra sa demande: "T'AS PAS UNNNEUEURRROOOOO???"

Après avoir mis une bonne seconde à comprendre qu'elle ne m'incitait pas au don de neurones mais me réclamait une pièce, je lui répondis poliment que je n'avais pas d'argent sur moi, je suis navrée madame. Mais elle s'était déjà adressée à ma voisine "T'AS PAS UNNNEUEURRROOOOO???" qui ne leva même pas la tête, sans doute concentrée comme elle ne l'avais jamais été sur son micro-plan de Paris. La vieille continua et alla s'asseoir à l'autre bout du banc. Aussitôt les trois autres occupants se levèrent avec une spontanéité révélatrice et allèrent se placer prudemment au dehors de l'abri-bus, sans pour autant lui avoir jeté un seul regard, et conservant grotesquement cet air détaché du genre "Tiens, si je profitais du soleil au lieu de rester à l'ombre? Debout, c'est tellement mieux..."

Sournoisement, elle glissa le long du banc jusqu'à moi, est saisit ma main droite dans la sienne qui la serra comme une pince et l'attira contre elle. Je posai mon livre et lui demandai poliment -mais fermement- de me lâcher la main, pas tout à fait sûre de voir dans ce geste une manifestation soudaine de sympathie. Je compris qu'elle convoitait en fait le bic bleu dont je me servais pour annoter ma lecture. Lentement, alors que je tentais de libérer ma main, elle prit le stylo de mes doigts immobilisés, me griffant le pouce au passage et s'éloigna au bout du banc, mon stylo à la main, tandis qu'elle tirait avidement les dernières bouffées d'un minuscule mégot, en me surveillant en coin d'un air méfiant. L'idée qu'elle puisse se garantir d'une éventuelle contrattaque de ma part me fit presque rire et je la dévisageais d'un air amusé, tout en essayant de la convaincre de me rendre un stylo qui ne lui servirait à rien.

J'étais toujours fascinée par ses yeux énormes et brillants comme perpétuellement couverts d'un voile humide qui en masquait la couleur sous un reflet reptilien. Elle glissa le bic dans sa poche, en me regardant ostensiblement d'un air de mauvais défi. Je la priai une dernière fois avec mon plus joli sourire et elle rétorqua un "NAAAN!" de sa bouche édentée sur un ton capricieux et enfantin, avant de se lever et de recommencer sa litanie auprès d'un nouveau groupe alors que le bus arrivait.

Par la fenêtre, je manquai d'éclater de rire en la voyant s'approcher par derrière d'une jeune fille qui venait d'allumer une cigarette, lui saisir la main comme elle me l'avait fait, pour lui piquer son bien. Une seconde après, alors qu'un passager m'avait momentanément masqué la scène, je vis la vieille sorcière s'éloigner la clope neuve au bec, la jeune fille elle étant de nouveau dans sa position initiale, comme si elle ne s'était aperçue de rien. Elle avait, comme mes voisins sans doute, préféré zapper l'événement, se laisser délester sans rien dire plutôt que de lui accorder la faveur d'un regard, ou même d'un reproche légitime.

Marginale, elle l'était doublement, cette vieille. Etait-ce cela qui l'avait rendue méchante, ou bien l'était-elle depuis toujours, je n'en sais rien. Je ne suis pas du genre à faire de l'angélisme - elle était laide et mauvaise, oui - mais je fus véritablement écoeurée par la réaction des gens, absolument instinctive et parfaitement inhumaine: se mettre à l'abri, à l'écart, surtout ne pas réagir, ne pas la regarder, non, elle n'existe pas, bon, il arrive quand, ce bus?

Au cas où vous ne l'auriez pas deviné, ceci a été écrit par WeepingWillow, à 15:11 Pour enrichir encore un peu plus la rubrique "Feuilles du jour, feuilles tombées".



Modèle de mise en page par Milouse - Version  XML   atom