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Petit à petit, je refais surface avec des envies de beau. Des envies volontaires, mûries, cette fois, pas de ces petites capriciosités arrogantes qui s'éteignent sans cesse, noyées par la cire, et qui vous laissent seulement l'amertume de n'être bonne à rien.
Ces dernières semaines, j'ai vécu la désagréable expérience d'un délire parfaitement lucide, comme une conscience dédoublée qui d'un côté se plaît à jeter du sel sur tout ce que vous avez de blessures, les vieilles et les fraîches, les véritables et les frivoles, tandis que l'autre vous hurle silencieusement d'arrêter ces conneries une bonne fois pour toutes. Le corps qui crie de faim depuis trois jours à vous en faire trembler bras et jambes, mais une terreur nauséeuse qui serre la gorge et le ventre à la vue de la moindre nourriture; le corps secoué de sanglots à la moindre contrariété mais les yeux qui brûlent à force d'être secs. La douleur, la jalousie comme deux hôtes indésirables et malins, qui attendent le sommeil pour passer à l'attaque; les soirées à veiller et s'abrutir pour surtout s'endormir comme une pierre, sans songer, sans ressasser. Se voir sombrer avec horreur, ne même pas prendre la peine de dresser un illusoire "je vais bien" en écran pour les autres...
Il a pourtant suffi du regard de deux anges clairs [et le soleil hivernal d'un dimanche matin] pour renaître.
La petite voix perfide s'est tue, son étreinte s'est relâchée, presque d'un seul coup, après quelques soubresauts sans gravité. Le coeur se défroisse et le corps se remplume petit à petit. Il n'y a que les larmes qui se refusent à couler. Il faut dire qu'elle n'en ont pas vraiment de raison, mais j'aurais aimé qu'elles viennent, un peu comme un soulagement final, pour laver à grande eau tous ces miasmes... Cette aridité joue à m'inquiéter, parfois.
J'ai envie de travailler, vraiment. Je ne parle pas de l'esclavage édulcoré qui consiste à se lever tous les matins pour accomplir une besogne pas très fondamentale que n'importe quel quidam avec un minimum de formation pourrait faire à votre place, non, pas ce genre de travail. Je parle de cette forme spirituelle de travail, cette ascèse qui vise si ce n'est la perfection, du moins le progrès, sans cesse... Chercher l'épure en permanence.
J'ai parfois envie aussi d'être de ces mères fascinantes et terribles, celles qui chassent les démons du soir, peignent des mondes à l'infini et inspirent à l'envi l'amour, la crainte et la fierté.