Qu'est-ce que j'ai pas dit il y a deux jours, bon sang...

Bon allez, au charbon.

Je n'aime pas le principe de raconter sa journée, car c'est tout de même par excellence le genre de truc sans intérêt quand on n'est pas Saint-Simon... Oui bon la ferme.

Aujourd'hui je me suis racheté un nouveau four... Non je déconne.

Non, quoi, bon.. Elle était pourtant bien jolie cette journée commencée sous les nuages, réchauffée par les vapeurs du thé de Chine. Elle était bien jolie encore ensuite dans les reflets du soleil à travers un petit blanc bien sec Léon steuplé, à travers la présence d'un ami cher qu'on avait cru perdu il y a un temps, et dont la main, posée sur le bras, les yeux couleur d'eau claire, vous rappellent que tout est là, comme le point de fuite d'un paysage familier, et que c'est bien. Elle était encore jolie au moment des adieux, malgré la petite morsure du manque à venir. Presque deux mois, de soleil et de verres en terrasse, deux mois de pelouses et de bords de l'eau, de siestes sous un livre et de "lettres à la main", mais deux mois sans vous tout de même...

Après les bras qui étreignent, les jambes qui marchent à travers Paris dans la chaleur insistante de midi, vers une amie cette fois. Deux personnes que j'aime c'est beaucoup mais dans la même journée c'est précieux. Quand je vous dis qu'elle était belle. Un déjeuner dont on se partage les plats, marche encore, le parc Georges Brassens en plein soleil. L'oeil rond de son objectif qui me fixe et m'intimide tandis qu'elle triture ses réglages. Je m'entraine à fixer d'un air inspiré le nuage qui passe ou l'énorme vol de corneilles qui vient picorer des miettes près de la tête de quelques bronzeurs et non monsieur, vous pouvez continuer votre promenade, le nu n'est pas au programme du jour...

Puis on attrappe un bus au vol, vers un bout de banlieue immobile de chaleur, vers une cache au trésor, de brigands ou de brocanteurs on ne sait pas trop. On se perd à l'étage parmi des milliers de fauteuils empilés les uns sur les autres, on pose de voltaire en bergère, on escalade, on s'empoussière en se vautrant dans les velours élimés  à l'insu des vendeurs. Quatre éternuements et quelques vieilles réminiscences de greniers grand-maternels plus tard on reprend la route avec l'envie d'y revenir bientôt.

La journée s'est assombrie en gris d'orage jusqu'à la nuit. La pluie tombe en rideau dans l'encadrement de la fenêtre grande ouverte. En face, le bulbe d'un lampadaire projette en grand sur le mur de l'hôpital un ruissellement de gouttes gigantesques. Mon paquet de copies n'a pas bougé depuis hier, mais chut.

C'était juste une très belle journée.

"Regarde la vie passer à travers les barreaux de ta cage, elle te jettera peut-être une banane" (proverbe Bonobo)