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Musique, fichtrediantre!

Tribune
Marguerite :
marie-pierre : J'ai été très intéressée par vos différentes remarque, vos extraits de livres et le commentaire que vous en faites. Tenez-moi au courant, merci.
Bien à vous,

Marie-Pierre Gauthier
Sendy : hi??
Sledymmenly : Today is good poorly, isn't it?
Damien : Merci

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Paris Noir
--> fantaisie lovecraftienne

A près un détour par la poste du Louvre, retour sur la place Beaubourg, qui devient le lieu de tous nos rendez-vous. De nouveau la déambulation filée sur le rail. Toujours les antennes qui me font lever la tête au moment exact où il s'engage sur la place et la joie presqu'enfantine des retrouvailles, l'odeur de sa joue juste sous l'oreille avec le léger grain de barbe "Pardon, je pique" sourit-il... Léger contretemps, il doit rencontrer quelqu'un, encore un personnage virtuel qui va prendre corps. Si je puis les rejoindre un chouilla plus tard, histoire de laisser le contact se faire. Nous aurons le reste de la soirée de toutes façons. Le temps de marcher ensemble jusqu'au tabac des Templiers, achat de cigarettes au milieu des fétiches poussiéreux d'Ancien Régime (au passage, il faudra que je me farcisse un beau jour une description détaillée de l'endroit... Tiens "farcisse", c'est la première fois que je l'écris, il a une drôle de tête ce mot). Je poursuis seule ma promenade vers la Seine, avec le pas nonchalant et légèrement affecté de celle qui ne va nulle part.

Assise en tailleur sur le parapet en pierre du Pont Notre-Dame, je contemplais la chute des cendres de ma cigarette, vertige du flocon gris qui disparaît en un clin d'oeil, sur fond d'eau noire guillochée d'écailles d'un jaune sale. Cette partie de la Seine, contenue dans l'espace vaguement carré délimité par le Pont au Change, en face, et celui où je me trouvais, exhalait une entêtante atmosphère de cuve. Labourée par le passage des navettes, l'eau y reflétait un paysage atomisé en de multiples tourbillons anarchiques, ne renvoyant que les lumières artificielles de la ville qui rendaient plus inquiétante encore la noirceur liquide de leur support mouvant. Le long de la berge à-pic de l'île de la Cité, un escalier plonge sous la surface sombre avec l'allure massive et légèrement incongrue des constructions cyclopéennes. Ce soir, j'ai du mal à croire qu'il n'ait servi qu'aux bâteliers de la Seine. A le voir ainsi sortir de l'eau, on croirait la rampe d'accès au monde supérieur de créatures abyssales forcément innommables, forcément tapies dans l'ombre sans soleil des profondeurs sous-marines, et forcément pétries d'intentions malignes à l'égard de la race humaine...

Je traversai enfin le pont, avec une sensation étrange d'ivresse, sans doute née du jeûne combiné à une trop longue contemplation aqueuse, et arrivai au bord de la place Lépine, presque entièrement plongée dans l'ombre. Cédant à un désir soudain de désorientation, plutôt que de continuer mon chemin en longeant la Seine, comme la plupart des passants, je m'engageai entre les baraques du marché aux fleurs, closes à cette heure-ci, surprise par la solitude qui s'offrait ainsi à portée de main, dans l'ignorance la plus complète du promeneur moyen, me sembla-t-il. L'espace, parfaitement désert en son centre, était comme quadrillé par ces silhouettes noires de casemates endormies. Leurs portes grillagées laissaient deviner dans l'obscurité des massifs aux formes vaguement animales. Parfois, l'éclat blanchâtre d'un oeillet ou le miroitement ambré d'un souci, semblaient la lueur d'un oeil aux aguets, allumé fugacement par des phares passagers qui déplaçaient les ombres comme autant de mouvements rapides et silencieux au fond de ces mystérieux et sinistres chenils. J'eus alors, l'espace d'une courte et angoissante apnée, la vision d'un Paris noir, agonisant dans les ruines d'une interminable apocalypse, venue des profondeurs par ces escaliers sous-marins qui montent à l'assaut des remparts de l'île. Car je compris enfin que j'étais sur une île, transformée en un vaste et oppressant marché où se trafiquaient des denrées monstrueusement humaines...

Ne frôlant plus qu'avec apréhension les grillages cadenassés au travers desquels je n'osai plus jeter les yeux, je quittai la place. En débouchant sur le quai de la Corse, je fus frappée avec la cinglance d'un coup de fouet par la réalité bruyante d'un dimanche soir dans ce Paris trop éclairé d'orange poussiéreux. Un bateau-mouche illuminé de néons bleu-macumba s'engouffra sous le Pont au Change avec un bruit de lessiveuse survolé par les éclats criards des passagers, tout à la joie de leur safari nocturne.

Je suis en retard, je hâte le pas tandis qu'une bruine insidieuse commence à tomber.

Au cas où vous ne l'auriez pas deviné, ceci a été écrit par WeepingWillow, à 12:30 Pour enrichir encore un peu plus la rubrique "Feuilles du jour, feuilles tombées".

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