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Musique, fichtrediantre!

Tribune
Marguerite :
marie-pierre : J'ai été très intéressée par vos différentes remarque, vos extraits de livres et le commentaire que vous en faites. Tenez-moi au courant, merci.
Bien à vous,

Marie-Pierre Gauthier
Sendy : hi??
Sledymmenly : Today is good poorly, isn't it?
Damien : Merci

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Une insomnie
--> Joseph Kessel, Contes.
Elle dormait, le corps légèrement ployé et comme tendu encore vers lui. La tête aux cheveux dénoués reposait sur son bras ; la nuque, tendre, moite, s’infléchissait tout près de son épaule. La fenêtre était largement ouverte sur la campagne où la nuit d’été mêlait dans un creuset voluptueux des parfums, des chansons et des plaintes douces.

Fermant les yeux pour mieux goûter la suavité de son repos, le jeune homme pensa que les champs devaient avoir une fraîcheur palpitante, que la rivière proche traînait les écailles d’or du clair de lune, que la terre retentissait du roulement cadencé des charrois sur les routes, de la mélodie acérée des grillons et par-dessus tout de ce frémissement continu que verse la nuit aux étendues obscures.

Ses lèvres s’entrouvrirent dans une aspiration passionnée de la vie fluide et profonde qui coulait à travers la chambre ; sa poitrine se souleva pour faire place à plus de bonheur encore.

Cela lui fit sentir la tête légère que son bras soutenait et la présence de la jeune femme qu’il avait presque oubliée en sa rêverie lui fut plus chère. Il tâcha de discerner les traits de son visage, mais l’ombre le couvrait d’une résille opaque et donnait à sa beauté la magnificence d’un secret.

Elle reposait immobile et il sembla au jeune homme que sa respiration subtile, le faible arôme qui montait de ses cheveux, la ligne claire de son corps nu, entraient dans le dessin et l’harmonie nocturnes, n’en étaient qu’une essence plus raffinée et vivante. Il se sentit tout imprégné d’amour et se penchant sur le front qui pâlissait doucement dans l’obscurité, l’embrassa.

Mais ce mouvement avait un peu troublé son bien-être et lorsque sa tête retomba sur l’oreiller il ne put retrouver la pose appropriée à la félicité physique qu’il venait de connaître. Son bras, immobilisé par la charge charmante, rendait la recherche difficile.

Il sourit avec attendrissement à la pensée que cette gêne légère procurait à la dormeuse son repos enfantin.

Il caressa lentement l’épaule ronde, le bras fin et charnu, cherchant dans ce geste un renouveau de volupté tranquille, mais un malaise gâtait la pureté de son bonheur. Cela venait d’une torsion à la nuque que provoquait la fixité de son bras. Il tâcha de se dégager. La tête de la jeune femme se fit plus lourde ; il comprit qu’à insister, il l’éveillerait. Une contrariété lui crispa la bouche, si faible qu’il ne s’en aperçut même pas et voulut reprendre le cours aimable de ses rêveries.

Cependant, la conscience qu’il avait prise de sa gêne ne laissait plus son esprit en repos. Malgré qu’il en eût, sa pensée y revenait sans cesse, si bien que, peu à peu, au lieu de la joie qu’il attendait, un énervement tenace l’emplit d’une vibration contenue. Sa main libre froissait le drap, et il remuait la tête sans parvenir à lui trouver une place qui calmât son irritation.

Comme des pointes aiguës couraient le long de son bras, il tenta de le délivrer une fois encore mais en vain. Il ressentit alors une lassitude brusque et maussade. Tout son plaisir s’était fondu en amer ennui.

Il songea que son commerce avec la jeune femme n’avait point tout le charme qu’il en avait espéré. Il se rappela les prudences excessives et les exigences qu’elle montrait et qui ne comptaient ni avec ses plaisirs, ni avec ses obligations à lui.

Fatigué de remuer ces considérations sans gaieté et il résolut de dormir, mais le sommeil ne vint pas et la charge qu’il supportait se faisait plus lourde, chaque minute devenait plus pénible.

Le temps coulait, les yeux du jeune homme brûlaient d’insomnie, son coude était si raide et si douloureux qu’il lui semblait ne devoir jamais reprendre son jeu naturel. Et sans qu’il les contrôlât, des pensées vagues et ternes traînèrent dans son esprit ainsi que de pesantes voitures rampant le long d’une route défoncée au crépuscule : le plaisir était chose vaine, aussitôt goûtée déjà viciée. Les femmes, avec leurs gaietés inopportunes et leurs tristesses superficielles, ne tenaient jamais les promesses de leurs regards. La volupté même qu’elles donnaient devait être toute passagère ; poursuivie, elle donnait un goût de corruption et de mort.

Et comme son épaule était à la torture, tout cela fut résumé en une obsession fiévreuse et précise.

-          Elle ne se réveillera donc jamais !

 

Cependant, l’ombre prenait des tons de lait et de nacre, l’aube approchait. Il la sentit au frisson plus frais qui passait dans la chambre. Il ramena le drap sur la jeune femme d’un mouvement brusque d’où toute tendresse avait disparu, comme s’il accomplissait machinalement quelque devoir.

Le jeune homme sentait son bras se détacher, se désarticuler, vivre d’une vie indépendante, à laquelle il n’était relié que par la douleur.

Elle, dormait toujours.

Par le jeu déformant des heures sans sommeil, la jeune femme lui paraissait un monstrueux fardeau, dont il devait, coûte que coûte, se débarrasser aussitôt le jour venu. Et il écoutait la respiration dont la régularité l’exaspérait avec une rage dont il entrait une mauvaise ivresse à souffrir, et de la cruauté.

Peu à peu une brume rose parut aux vitres et les premières flèches du soleil, dont l’or est tremblant, tombèrent sur l’oreiller. La jeune femme ouvrit faiblement la bouche, ses cils palpitèrent et elle murmura d’une voix ravie :

-          Oh, que j’ai bien dormi !

 

Dans le regard de son amant, elle ne sut point lire la haine qu’il lui vouait.

Au cas où vous ne l'auriez pas deviné, ceci a été écrit par WeepingWillow, à 18:33 Pour enrichir encore un peu plus la rubrique "La folle du logis (ébauches d'une bibliothèque idéale)".



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