Je sens un peu de froid. Pas de nouvelles de M. Cela va faire bientôt deux mois que je ne l'ai pas vu. Silence à peine rompu depuis que je lui ai dit. Il me répond le travail et la plupart du temps, je le crois. Mais là... Je ne sais tellement plus à quoi m'attendre, je n'ai jamais compris ce qui se passait dans sa tête... Et je ne compte sans doute pas encore assez pour qu'il m'en offre les clefs. Bientôt, je serai encore moins "disponible", cela fait-il de moi une moins bonne amie? Moins intéressante... Moins attrayante? Moins tout... Un jouet aimé désormais sans charme...

Parfois pourtant, j'ai l'impression de m'habituer à son absence, à son silence, mais ça ne me fait pas le coeur plus léger, au contraire.

La vie suit un cours plutôt heureux pour le moment. Mais ça finit par m'engourdir le coeur, la tête, les doigts... Reste ce petit morceau de glace à l'endroit de sa place, qui prend parfois l'allure triviale d'une messagerie désespérément vierge. On se connecte, on espère en se disant que c'est sans doute plus confortable que d'attendre vainement à la fenêtre un pigeon voyageur. Léger soupir accompagné d'une imperceptible crispation au coin des lèvres tandis que le froid se réveille brièvement avant de s'éteindre à nouveau. Et le flux des choses reprend le dessus, ne laissant plus transparaître qu'une tristesse fugace quand le regard se retire.

Rappeler la blessure, l'empêcher de se refermer. Je ne me fais pas d'illusions, je sais que je peux cicatriser, même de lui. Alors tout faire pour que ça ne se termine pas comme ça. Attendre quand même, espérer. Et surtout croire ce qu'il me dit. Entretenir cette petite souffrance qui me maintient le coeur en vie.

Finalement, je l'aime de me faire parfois me sentir seule, moi qui ne sais presque plus jamais l'être, et me procurer en somme un peu de cette retraite propice à l'âme.

Et parfois laisser échapper un "Je m'en fous" lourd de toutes l'attente fébrile du monde...