Poursuivant ma descente spéléologique je relis tout ce que j'ai écrit à l'époque où j'aimais Jean. Deux longues années entre mes 17 et mes 19 ans, soldées par l'échec le plus cuisant que j'aie jamais essuyé. J'avais tourné la page, ri de tout cela, l'avais mis en forme d'histoire drôle, petite aventure dont j'étais l'héroïne malheureuse, que je racontais à qui voulait l'entendre... Et pourtant, redécouvrir tout ce que j'en ai vécu, au jour le jour, quasiment, m'en a flanqué un coup. Il y a eu des trucs tout de même... je les avais oubliés pourtant, comme quoi, on croit des choses et puis la mémoire est toujours la même, infidèle...

Il y a un pasage en particuler que j'ai envie de recopier ici, non pour déterrer ce qui ne mérite pas de l'être, mais parce que je l'ai relu avec beaucoup d'émotion, non pas nombriliste, mais parce que j'avais complètement oublié l'avoir écrit, que je l'ai lu avec des yeux presques neufs et qu'il en est alors devenu anonyme et peut-être, j'aimerais bien, universel...

"Ce soir a pas furtifs
tachant de ne pas trop faire crisser les vieilles planches de mon coeur
j'irai contempler une derniere fois ton image
deja presque effacee par mes baisers et mes larmes
Et
tentant d'y retrouver les traits de ton visage
je la prendrai entre mes mains
precieusement
religieusement
puis comme on fait d'un oiseau malade lorsque l'appel du ciel le ranime
j'ouvrirai delicatement les doigts
Peut-etre soufflerai-je un peu pour aider ton envol apres une si longue captivite
et je me retournerai pour ne pas te voir partir
La maison sera bien vide et bien noire
j'irai m'asseoir au lieu de ton ancienne place pour en garder la chaleur
fragile foyer au milieu d'un grand coeur triste
Ouvrirai-je les volets?
Non pas encore
je veux rester dans cette chambre silencieuse
a ecouter
l'horloge qui compte le temps qui passe sans toi

Deja?"