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Cette nuit, j'ai rêvé de G.
Un rêve pour une fois tellement clair qu'il rend superflue toute tentative d'interprétation: j'étais dans mon lit, tenant G. dans mes bras. Il me serrait lui aussi, normal pour deux personnes dans le même lit mais la sensation de l'avoir dans mes bras était tellement réelle: je me souviens encore de l'exacte place que prenait sa taille entre mes mains, de la texture de la peau de son dos; à ce moment là, aucune absurdité, aucune incohérence qui est la marque de fabrique habituelle des rêves. Je crois aussi que dans la réalité, je ne me souvenais pas aussi bien de son visage. Ce n'était pas comme souvent; on rêve d'une personne que l'on SAIT être untel ou untel, mais dans le rêve, son visage est celui d'une inconnu. Là, c'était le sien, et encroe éveillée, il me frappe par sa précision. Donc nous étions enlacés, moi avec le même coeur gros que dès que je pense à ce que je lui ai fait, lui n'ayant pas l'air de trop m'en vouloir... Jusqu'à ce que je me retourne et voie, de l'autre côté, mon homme - le vrai - en train de dormir. Cette image a dû me parvenir soit par l'habitude, soit par une brève seconde de réveil, en tout cas, là aussi, tellement réaliste que pas moyen de me douter un moment que c'était un rêve. Je suis tétanisée et essaie de faire comprendre à G., qui commence à être entreprenant, que nous ne pouvons pas continuer... La suite a dérivé sur un scénario typique de rêve: personnages qui apparaissent, qui disparaissent, qui semblent trouver normal des situations complètements loufoques, tout cela dans des lieux qui ont la vastitude et la plasticité des fantasmes de l'enfance: maison ouverte sur des champs de vignes, adossée à une cascade de montagne, patchwork de maisons connues ou imaginées... Mais ceci n'est pas important. Au réveil, me restait le visage de G. avec un sentiment de remords incoercible, des larmes qui me reviennent dans la gorge au moment où j'écris. Parce que j'avais tout fait pour l'oublier, parce que c'était le garçon que j'attends depuis des années et que je l'ai rencontré quand il était trop tard quand je ne pouvais plus rien plaquer, parce que sans lui, ma vie est agréable et cohérente, avec une famille qui se construit, malgré les orages passagers et que, pendant les brefs instants que j'ai passés avec lui, tout cela m'avait semblé comme autant de boulets dont j'aurais voulu me débarrasser, parce qu'à son contact, j'ai cru un instant qu'avant lui, je m'étais plantée de route... J'ai alors voulu tout envoyer balader, plaquer mon homme et redémarrer à zéro avec notre fils, et lui... Puis j'ai repris mes esprits, redécouvert que j'aimais mon homme, que je me battais depuis bientôt deux ans pour lui et le petit, qu'on avait, même si ce n'est pas tout à fait bien, bâti des choses pierre après pierre malgré de nombreuses attaques. Bref, nous étions en convalescence et j'aurais privé notre fils de son père, je l'aurais privé de son fils, entre autres choses, pour une soirée d'égarement, fût-ce avec le garçon le plus charmant, le plus beau, le plus fin et qui -par-dessus tout- me tendait le miroir de moi-même que je préférais?... Là-dessus est venue se greffer la brouille la plus douloureuse que j'aie eue avec M. J'étais donc toute seule pour réfléchir et décider.
J'ai donc décidé de ne plus revoir G., au départ, je dois l'avouer, ce n'est pas pour mon homme que je l'ai fait, j'ai d'abord plaqué tout le monde en même temps. Lui, M. et G. Je ne sais pas si c'était pour me punir ou pour réfléchir, faire le vide... Puis, j'ai repris un à un, par ordre de priorité, tous ceux qui avaient leur place: mon homme d'abord, après avoir vidé l'abcès et assaini la plaie... M. ensuite, il avait sa place, LA place, dirai-je, de meilleur ami... G. ne pouvait que tout faire voler en éclat. Pas volontairement, non, je ne sais même pas s'il a compris toute l'importance qu'il a eue... Et je n'ai plus jamais répondu à ses messages. J'arrive à suporter cette idée si je l'efface petit à petit de ma mémoire. Je prie pour ne jamais le croiser: j'aurais tellement, mais tellement honte! Il est la seule personne peut-être en face de qui je ne pourrais pas garder la tête haute... Bref, je me soignais en me persuadant petit à petit qu'il n'existait pas.
Et voilà ce rêve, avec sa précision diabolique... Qu'est-ce que ça veut dire??? G. pardonne moi. Un jour peut-être, je prendrai le temps de t'expliquer... Non, j'espère que tu es passé à autre chose, et que désormais tu t'en moques. Même si mon petit orgueil doit en pâtir, je souhaite qu'il ait rencontré la personne qu'il lui faut et que je ne sois plus, comme je voudrais qu'il soit, que le souvenir d'une parenthèse enchantée.
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