Parce qu'il faut bien se remettre à écrire de temps en temps avant que la transformation de ma cervelle en une gelée informe et tremblottante n'atteigne son stade irréversible, je commence cette note sans trop savoir où c'est-y qu'elle va me mener.

Je suis en plein dans la correction de copies de Bac. Des 1ères SMS. Rien d'insurmontable, du très court la plupart du temps, du très, trop léger, du mal écrit beaucoup, du pas compris aussi, globalement du nul et non avenu qui me fait me demander vraiment pourquoi on s'évertue à présenter cette épreuve sous cette forme aux séries technologiques. Non que je sois pour l'abaissement permanent des exigences, bien au contraire mais soyons honnêtes deux secondes. Ce qu'on demande aux élèves de savoir faire au bac de français relève de la flagornerie et du foutage de gueule le plus complet. Comment peut-on s'attendre à ce que des élèves qui n'ont ni le goût de la lecture critique (faut pas pousser), ni la technique, et encore moins la culture et le recul permettant une réflexion pertinente soient capables de pondre une dissertation, même sur une question facile? Le commentaire de texte, franchement, moi j'aime bien l'idée, mais c'est tout de même là aussi un exercice super littéraire, qui suppose déjà une maîtrise sans faute de la lecture que j'appellerai "1er degré" pour là encore faire un travail d'analyse qui ne vire pas à la paraphrase ou à l'alignement de phrases alambiquées et totalement vides de sens. Pour faire un bon commentaire, il faut aimer chercher la petite bête, il faut maîtriser la syntaxe (chose essentielle mais pourtant massivement évacuée des programmes de tout le primaire et collège), et surtout en comprendre l'intérêt ce qui ne vient franchement pas tout de suite. Quoi qu'il en soit on ne peut pas demander ça à des SMS ou STT et s'attendre à ce qu'ils pondent un truc qui mérite son 14 ou son 15... Même son 10, si on était vraiment juste. Quant au sujet d'invention, c'est le plus malhonnête et le plus inutile de tous: soit complètement régressif si on le considère comme les rédacs du collège dont il est tout de même sacrément proche, soit un truc bien balaise et qu'on peut difficilement noter puisqu'il demanderait aux élèves d'avoir des qualités d'écrivain (et par conséquent qui, s'ils les avaient, seraient drôlement nombreux à s'être fourvoyés dans les filières technologiques).
Donc on s'en tire toujours avec la même démarche: c'est naze, ça vaut 3 pour l'effort, et encore je suis censée enlever au moins deux points pour l'orthographe (parce qu'évidemment il n'est pas rare que les copies les plus indigentes soient aussi celles dont l'orthographe est  la plus déplorable) sauf que ça lui fait 1, peut-être 2.5 avec les questions, donc on va arrondir le tout à 3 (donc déjà la sanction de l'orthographe ben en fait elle compte pas) et puis comme trois c'est vachement infâmant selon les instructions officielles (c'est le mot employé, hein, bon d'accord, sans l'adverbe... c'est quoi l'adverbe? _Va te faire voir petit con si tu ignores ce qu'est un adverbe je ne te le dirai pas.), comme 3/20 c'est infâmant, bien que correspondant à la plupart des copies que j'ai eues, il faut monter à 4 ou 5, voire 6 soit le double de la note, un truc qui ne veut rien dire du tout. Alors c'est sûr que la gars, devant son 6, il aura autant les boules que devant son trois mais justement je ne trouve pas ça normal. pour moi une copie qui a 6, c'est une copie dans laquelle il y a plus de trucs que dans celle qui vaut trois, c'est élémentaire, c'est évident et oui merde j'le dis dans mon blog si je veux mais que voulez-vous ça m'énerve.
En plus le texte n'était pas mal, un truc d'Henry de Monfreid, ce qui n'est pas pour me déplaire. Evidemment les élèves ne savent et ne sauront rien de ce vieux briscard des mers qui fut négociant, navigateur, trafiquant d'un tas de trucs pas toujours licites sur les bords aventureux de la Mer Rouge, qui finit converti à l'Islam si mes souvenirs sont bons. Le gars qui a eu une vie passionnante et dangereuse, qui pourrait prouver à ces gamins qu'un écrivain c'est pas toujours un bourgeois grassouillet et parisien (tenez pour l'exemple, Zola... et voilà Monfreid, c'est quand même plus renard, non?) Sauf que le riton, à part dépoussiéré ponctuellement pour pondre un sujet de Bac, on l'étudie pas, et puis on n'étudie pas non plus la biographie des écrivains (saufs peut-être ceux qui ont milité pour les Droits de l'Homme, instruction civique oblige) parce que pour les pontes de la pédagogogie (le jeu de mots de la honte, pardon c'est pitoyable, je retire) seul le texte, le THêêêXTHE vous entendez madâme, compte, dans son unicité et son universalité singulière, coupé du temps, de l'histoire, de son auteur, de la vraie vie en somme. Et donc voilà, des élèves qui n'auront pour seule connaissance de ce sympathique pirate (et bon écrivain) que le souvenir d'une épreuve chiante et d'une note cuisante dans une matière qu'on ne leur enseignera désormais plus.

Voilà, blues, super. Je sens que ma vocation me fuit à toutes jambes, je n'ai plus la patience, ni même l'humour qui me permettaient avant de tenir un tant soit peu une classe, même composée à majorité de branleurs et de m'en faire tout de même un peu apprécier. Là j'ai juste envie de les traiter de petits cons, de prendre mes bouquins, de retrouver un peu de silence et de paix et de les laisser se faire khmérrougiser par le premier pouvoir autoritaire venu sans plus m'en soucier outre mesure. Alors oui il y a quelques élèves chouettes et pour qui je nourris une réelle sympathie, mêlée parfois d'estime (oui, jeune S. tu m'en bouches un coin des fois, même toi C., et toi A., malgré tes airs de péteux, je sais que tu iras loin...) mais en face d'eux, comme du reste, j'ai désormais l'impression de ne plus arborer que le masque du sarcasme et du ras-le-bol. Et ça me fout plus qu'en rogne.

A part ça, l'autre jour dans le bus, j'ai croisé un quatuor (trois hommes et une femme) qui m'a vraiment fichu les jetons. Le pire est que j'ai passé le trajet à les observer du coin de l'oeil, tentant de mettre le doigt (mentalement, hein pas pour de vrai iiiiik!) sur ce qu'ils avaient de si flippant. Ils avaient l'air d'être de la même famille -peut-être qu'ils ne l'étaient pas après tout mais je ne sais pas, il y avait un air, quelque chose- avec un je ne sais quoi de consanguin qui faisait penser aux familles de psychopathes ruraux et dégénérés qui font le bonheur d'un bon nombre de scénarios de films d'horreur. Ils n'étaient pas monstrueux non plus, hein et sans doute, pris individuellement ils ne m'auraient pas plus attiré l'oeil que ça. La femme, sans doute la cinquantaine, peut-être plus, peut-être moins, les traits épaissis par un très probable alcoolisme, blonde décolorée, maquillée à la truelle, parlait avec je n'ai pas su dire si c'était son mari ou son fils, qui ne cessait de triturer les poignets de sa veste fatiguée, les yeux un peu vitreux et ondulant dans le vague. Les deux autres hommes parlaient entre eux, l'un très grand et assez corpulent, cheveux longs en catogan, bouc, à première vue le look du rôliste de base donc pas inquiétant a priori, mais là aussi, sa masse avait quelque chose d'atavique et de malsain. Son comparse aurait pu, je dis bien aurait pu, être séduisant, avec des yeux très clairs, bien que lui donnant un air un peu halluciné, mais ses dents longues et un peu espacées, son élocution encombrée, là aussi ajoutaient au tableau sa touche de pas catholique. Pourtant je persiste à dire que chacun, individuellemnt, n'avait rien de si terrible: des gens aux dents moches que ça les gêne pour parler, ça arrive, les gens grands et gros aussi, les vieilles peaux peroxydées encore plus, mais tous les quatre ensemble, j'aurais pas voulu les croiser dans une rue sombre. Malgré tout, la femme avait quelque chose de maternel dans son attitude, sa manière de parler aux trois hommes, mais ça lui donnait justement  l'air d'être le genre à rappeler à ses fils de se laver les mains avant de manger alors qu'ils sont en train de vous dépecer dans la cour de la ferme familiale...

Alors je tiens à dire que non ce n'est pas la peine de me dire "Toi t'as trop regardé La Colline a des yeux" ou tout autre film du genre. D'ailleurs, je trouve que toute personne usant du "toi t'as trop regardé... " devrait être immédiatement sanctionnée d'un poing dans la gueule pour cause de connerie patentée. C'est bien simple, je ne supporte pas l'inévitable crétin qui d'un air entendu te sort son "toi t'as trop regardé Machinchose" dès qu'une de tes anecdotes ou réflexions tend à lui rappeler le film ou la série de huit heures moins le quart. Donc poing dans la gueule qu'on se le dise.

Voilà, c'était mes râleries du soir, juste histoire de me prouver que j'ai des choses à dire et que je n'en suis pas encore réduite à montrer mes seins pour remplir mon blog. Et que dans la colonne de mes archives il y aura désormais deux articles au compte du mois de juin.