Je sais qu'on ne dirait pas, mais il y a un paquet de temps que je rumine l'envie de m'y remettre; je dis l'envie, mais ce serait plutôt un sentiment qui emprunterait tour à tour au désir, à la nécessité et à l'inquiétude de savoir encore quelque peu formuler une réflexion, fût-elle la plus banale qui soit...  

Ajoutez à cela la forme très très diluée d'un sens du devoir parce que quand même aussi... Et pourtant indépendamment de la fatigue morale et intellectuelle - plus que physique - dont je n'arrive pas à m'extraire, j'ai développé pendant ces quelques mois une détestation quasi épidermique de toute forme de production individuelle ou collective de billets publiés sur la toile par ordre antéchronologique. D'abord le mot lui même, monosyllabe aussi couillon et irritant qu'une private joke généralisée, que les journalistes s'évertuent à prononcer précédé d'une petite pause juste après l'article, le tout accompagné d'un haussement de sourcil appliqué comme tout concept top moderne que les vieux y peuvent pas comprendre et qu'il faut bien leur expliquer en articulant bien parcequ'elle est un peu sourde la mémé au fond. Le pire c'est que je crois que la mémé elle s'en fout et elle a bien raison. Et puis les auteurs eux-mêmes, enfin leurs stéréotypes, multipliés avec d'autant plus de conformisme que chacun se croit encore pionnier de la liberté d'expression dès lors qu'il délivre un putain de contenu textuel (ou pictural) de manière plus ou moins quotidienne et présentée selon l'ordre antéchronologique*... Inutile de vous cacher que je nourris une aversion particulièrement violente envers le stéréotype n° 2 de la putosphère: fille, en général mignonne forcément, quasiment toujours brune, portant fièrement slims et Converse mais attention pas parce que c'est à la mode mais parce que c'est une vraie rebelle, et qui se pose comme une héroïne du féminisme façon XXIe parce qu'elle parle de cul et dit des gros mots en écoutant The Libertines; elle se pose comme l'anti-blonde sans s'apercevoir qu'elle a fini par prendre sa place. Elle a de plus en plus souvent droit à sa rubrique dans divers magasines hypes tenus par des mecs aux lunettes carrées, et je finis par me dire que si c'est ça l'idéal féminin du moment je vais finir par me faire taliban.

J'ai fini par tout détester en bloc: ceux qui ont du talent et qui m'énervent pour ça, ceux qui n'en ont pas et qui m'énervent aussi pour ça, ceux qui disent du bien, ceux qui disent du mal, ceux qui soutiennent le Tibet, ceux qui citent Desproges et en gros tout ceux qui pensent -moi y compris - de près ou de loin que ce qui sort de leur bouche ou de leur cul intéresse le monde.

Enfin, avec l'éloignement causé par diverses pannes de PC, prolongées par la lente accumulation des trois sous nécessaires à chaque réparation (les Chinois de Daumesnil sont pires que les garagistes, je dis), chacune de mes excursions s'accompagnant d'un sentiment croissant d'étrangeté (au sens premier du terme) j'ai fini par mettre tout cela dans un grand sac poubelle avec marqué "on s'en branle" dessus.

Et je me suis remise à lire. 

*Ami lecteur, devine quel est le mot interdit dans cette note.